introduction JvdM français

Introduction, Jan van der Marck nov. 1969, catalogue (vinyle) trad. Fabien Vallos L’art conceptuel comme document, enregistrement, objet ou performance dans Art by Telephone est une nouvelle étape vers la réconciliation des arts littéraires, plastiques et performatifs qui caractérise les années 1960. Le terme s’applique généralement à de nouvelles formes d’art qui semblent privilégier le fait intellectuel à l’objet visuel. Les artistes qui ont répondu à l’exposition partagent certains points communs en dépit de divergences dans l’expression. Ils veulent sortir de l’interprétation de l’art comme spécialisation, production manuelle et objets précieux. Ils accordent plus de valeur au processus qu’au produit, plus de valeur à l’expérience qu’à la possession. Ils sont fascinés par la qualité formelle des mots et par la connotation littéraire des images. Ils rejettent l’illusion, la subjectivité, le traitement formaliste et une hiérarchie des valeurs de l’art. L’artiste traditionnel était tenté de façonner nos attitudes mentales et perceptives pour nous faire comprendre l’art. Les artistes de l’exposition font de même pour nous faire comprendre le vivant, immédiatement et directement. Ils demandent au spectateur la saisie des rapports ainsi que l’implication physique ou mentale afin que le travail soit actualisé. Marcel Duchamp exprimait tôt et de manière succincte cette idée « Somme toute, l’artiste n’est pas seul à accomplir l’acte de création car le spectateur établit le contact de l’œuvre avec le monde extérieur en déchiffrant et en interprétant ses qualifications profondes et par là ajoute sa propre contribution au processus créatif.» Le mot art est source de confusion parce que de nombreux artistes d’aujourd’hui ne font plus la différence entre l’art et la vie et même permette à leur vie – James Lee Byars – ou à un de leur projet – Le restaurant de Levine – de devenir de l’art. Comme l’art est libéré, les actions deviennent art, ainsi que leurs expériences et leurs connaissances, transmises à travers des photographies, documents et autres référents visuelles ou verbaux. Parce que la distinction habituelle entre les arts performatifs – arts du temps – et les arts plastiques – arts de l’espace – s’est estompée, le photographe a été appelé à documenter et à préserver les œuvres qui n’ont aucun autre moyen de se maintenir. Conséquence supplémentaire, le document gagne à être reconnu comme œuvre d’art.   Aujourd’hui beaucoup d’œuvres restent en deçà de la limite de leur mise en œuvre. L’exécution n’est plus une condition préalable pour l’acceptation en tant qu’art. L’œuvre d’art ne commence et ne finit  pas à ses limites physiques : en effet, l’objet est simplement le noyau et le «déclencheur» d’un vaste système du traitement de l’information. Jack Burnham et Les Levine font la distinction entre le «hardware» – l’artefact – et le «software» – tout ce qui est en rapport avec l’acte de création et l’influence qu’il exerce. Burnham donne au  sens de «software» celui de plans, spécifications, photos, reportages, promotion et dispositif final. Il les considère comme de légitimes extensions faisant absolument partie du travail. On peut énoncer qu’Art by Telephone présente peu de «hardwar» et beaucoup de «software». Le temps, qui est rarement un ingrédient dans les arts visuels, est devenu important pour de nombreux artistes et il est souvent un facteur important de contrôle. Les artistes peuvent vouloir voir leur travail croître et s’élargir ou diminuer et disparaître dans un laps de temps prédéterminé ou programmé. Après six semaines, les œuvres de l’exposition seront détruites ou éliminées, inversant ainsi le cliché «la vie est courte et l’art est long». Le spectateur est soumis à une expérience, plutôt qu’à une frontalité avec un objet ou un système d’information complet. Les artistes initient, mais ferment rarement le cycle de l’information. Cette exposition ne permet pas des gestes personnels parce que l’artiste n’est pas présent pour les faire. Au lieu de cela, il est invité à énoncer le principe de son travail et d’en remettre la formule au musée qui formalisera les résultats. Les matériaux utilisés dans l’exécution sont courants. La performance ou l’exécution des œuvres de l’exposition exige peu de compétences ou de connaissances particulières. L’intérêt de ces travaux ne réside pas dans leur forme, leur construction ou leur composition, mais plutôt dans leur raison d’être, leur relation à l’entourage et dans la réponse du public. Les thèmes ne sont ni destinés ni indiqués. Pourtant, les similitudes se sont révélées que lorsque des œuvres ont vu le jour. Certains artistes ont testé l’absence de décision personnelle dans la représentation picturale : John Baldessari, Richard Hamilton. Certains ont donné une interprétation littérale du titre de l’exposition : James Lee Byars, Davl Det Hompson, Robert Huot. Certains ont choisi d’être auto-référentiels et autobiographiques : Iain Baxter, Claes Oldenburg et Dennis Oppenheim. Certains ont enquêté sur l’écart entre réalité et illusion : Richard Artschwager, Robert Cumming, Alain Jacquet, Ed Kienholtz, Richard Serra. Certains ont élevé les données au niveau de l’art : Siah Armajani, Joseph Kosuth, Bernar Venet. Certains invitent le visiteur à contribuer et à achever leurs travaux : Arman, George Brecht, Dick Higgins, William T Wiley. Certains utilisent les propriétés physiques de la matière et de l’environnement pour créer des expériences sensorielles et perceptives : Jack Burnham, François Dallegret, Hans Haacke, William Wegman. Certains ont enregistré des événements passés : Jan Dibbets, Les Levine, Robert Morris, Bruce Nauman, Robert Smithson. Certains ont affirmé l’idée d’art populaire : John Giorno, Stan Vanderbeek, Wolf Vostell. Certains ont travaillé à partir de l’esthétique minimale : Robert Grosvenor, Sol Lewitt. Certains ont produits des pièces aléatoires : Guenther Uecker, Frank Viner. Beaucoup d’œuvres peuvent correspondre à plusieurs thèmes. La plupart des œuvres de l’exposition sont fondées sur l’intervention de l’artiste avec le réel suffisamment reconnaissable pour passer inaperçu. Les questions «comment» et «quoi» ont été remplacées par «pourquoi». Mais après l’avoir initié, en faisant allusion à la fois au littéral et à l’arbitraire, l’artiste laisse le spectateur fournir les réponses. jvdm